Cette semaine a été assez laborieuse. Après mes quelque 200 copies de 2ème année de la semaine dernière (évidemment, je ne corrigeais pas tout : on fait chacun une partie du sujet), cette semaine je corrigeais des copies de Licence d’info.
Mais le plus marrant (et pas le moins épuisant) aura sans doute été la surveillance d’examen d’avant-hier : une épreuve d’informatique comptant pour un module de tronc commun de physique ou de chimie. Et là j’ai pu constater à quel point la fraude est une pratique sophistiquée ici : on trouve de tout :
- quelqu’un que j’accompagne lorsqu’il sort de l’amphi pour aller uriner. Lorsqu’il s’éloigne je vois que de la poche arrière de son jeans dépasse ce qui semble être une feuille A4 pliée en quatre. Je me dis que dès qu’il se sera soulagé je vais la lui demander pour la confisquer. Mais le gars, le nez au vent comme si de rien n’était, se sépare de son antisèche en la faisant subrepticement tomber de sa poche.
- un autre quidam que j’accompagne pour la même raison. Pour lui je ne constate rien lorsqu’il sort puis rentre, mais ensuite je m’approche de sa table une fois qu’il est retourné s’asseoir, et là je constate que la feuille A4 de son sujet est légèrement gondolée, ce qui est suspect. Là je prends son sujet, et c’est pour constater qu’au dos du sujet figure toute une antisèche au crayon. Quelques instants plus tard je repère son sujet original qu’il a laissé choir à ses pieds, intact et non froissé. Explication : il avait pris deux sujets au début de l’épreuve, était sorti une première fois de l’amphi, avait remis un sujet vierge à un complice, était ressorti après avoir reçu un bip de son mercenaire et avait à cette occasion récupéré le sujet avec l’antisèche au dos.
- enfin, du mercenariat pur et dur : on trouve des copies avec des identités fantaisistes, remplies par des gens légalement inscrits mais faisant simplement acte de présence pendant que leur mercenaire compose pour eux dans le même amphi. On a pu en détecter quelques uns car malheureusement pour eux le “mandataire” et le “mandant” se trouvaient parfois dans des amphis différents à cause des effectifs pléthoriques, et dans ce cas on se retrouve avec quelqu’un qui signe la fiche de présence dans un amphi mais pour qui on a ramassé la copie dans un autre amphi, ce qui est évidemment suspect
Ici pas mal de fraudeurs sont des gens de l’École Normale Supérieure du Cameroun, où les choses sont bien moins strictes qu’ici au département d’informatique. Les gens disent que la devise à l’ENS c’est : “Si tu n’as pas le Savoir en toi, aies-le sur toi. Sinon, tu le chercheras autour de toi”. Id est : antisèches personelles ou triche par communication.